En avoir une paire
Et pendant ce temps là, j'écoute beaucoup de musique. Je lis beaucoup de livres :j'vous en parlerai plus tard, de ma théorie des signes dans les livres. Un soir, sur l'oreiller, je vous raconterai.
Quelque part donc tout près de moi, quelqu'un organise sa mort. Quand nous étions petites, Petite et moi, il nous emmenait dans sa Méhari, serrées contre son énorme chien aux oreilles molles et pendantes, vers des promesses de cônes glacés. Je me souviens aussi de la façon dont il beurrait mes tartines, et je sais pertinement, comme un secret gênant - un peu comme s'il avait vu mes culottes- que c'est en beurrant mes tartines, les matins de vacances,que l'envie d'avoir une fille, de finalement accepter d'avoir un enfant, lui est venue. Plus tard, il m'a soignée, un peu.
L'une de mes femmes est aux prises avec un événement attendu de son destin. Il est difficile de tenir et de soutenir un homme tout à la fois. Le sien, apprenant que sa vie d'alcool et de vitesse, et de rires et de bonne chaire, de tartines et de soleil, une vraie vie quoi, avait fini par achever son corps, a décidé de faire, comme il avait dit.
Il avait dit qu'on lui changerait jamais ses couches. Il avait dit qu'il était un homme debout ou rien. Alors il y a peu de temps, il a fait venir Petite pour mettre de l'ordre dans les successions. Il a doté sa fille. Il a doté sa femme. Et bientôt l'un de nous partira pour aller les chercher, les ramener peut-être. Je n'ai ni pitié, ni douleur : comment en avoir pour un homme qui en a une paire suffisante pour faire tous les grands sauts. J'espère que je serai, aussi, toujours une femme debout.