Celles qui l'ont

Publié le par Mademoiselle S

Today j'ai pu reprendre le travail, après un arrêt forcé pour cause de dos bloqué. Manque de pot, les élèves étant partis et la grande famille des profs occupée à se goinfrer au secrétariat du bac, je suis passée d'un désoeuvrement dépressif à un désoeuvrement suicidaire, mais derrière un bureau. Un jour par semaine, je suis en binôme avec une fille particulière.

Elle était née pour être laide, mais elle a eu la grâce. Petite et moi avons inventé très tôt ce concept pour pouvoir parler de ces gens-là . Ceux qui ont la grâce. Elle a un corps grand et anguleux qui aurait du faire d'elle un corps parmis les autres. Mais la grâce a disposé des chairs et des muscles si bien que son corps est beau. Une beauté anguleuse. Ses cheveux sont comme les miens, rouges  et secs. Mais la grâce les a fait bouclés et extrêmement longs, comme une vraie crinière que j'aurai du avoir. Elle est bronzée comme moi mais pour faire oublier qu'elle est noire, la grâce lui a donné, caractéristique rare, des yeux bleus, des vrais. Sa voix trop aigüe s'arrange d'intonations lentes qui la rende douce. Tout lui réussit. Elle a sa droite un homme beau et sportif. Elle a sa gauche une intelligence suffisante. Elle a au dessus d'elle des parents aimants et vivants, et elle a au devant d'elle un avenir fait de santé. Tout ça, je l'avais vu et ça me suffisait. Du coup, comme elle ne m'aime pas - les saintes flairent les succubes de loin on dirait- , je restais dans une attitude polie mais distante, déçue peut-être qu'elle ne comprenne pas que pour survivre, quand on est seule, il faut parfois passer du côté obscur.  Mais voilà, la grâce a décidé de la toucher une fois encore et en ma présence.

Alors que ses résultats de capes n'étaient prévu que pour la semaine ensuite, je la trouve attablée et dans tous ses états au retour de la pose déjeuner : les résultats tombent, lettres par lettres. Ni une, ni deux, son nom miraculé et aimé des dieux arrive, et la voilà prise d'un orgasme derrière le bureau, dans un établissement heureusement quasi-vide. Les mains sur le ventre elle souffle, elle gémit, elle exulte toute la grâce qu'il y a en elle et qui me donne à moi envie de vomir. Et ça lui sort par les yeux  sous forme de larmes, et sa voix aigüe  pousse de petits cris de femelle au bord du moment. Devant moi.

Je me demande encore où j'ai trouvé la force de ne même pas rayer sa voiture. Parce qu'évidemment, ce jour là, c'était celui de son anniversaire, le matin, elle m'avait demandé la permission de quitter le boulot un quart d'heure avant l'heure habituelle, pour pouvoir être extrêmement belle, extrêmement intelligente et en plus extrêmement admissible à son repas d'anniversaire, dans le resto le plus branché du chef-lieu, avec à sa droite son homme, à sa gauche son intelligente, et au dessus d'elle...

Publié dans Carnet de Vie

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N
Bonjour!L'écriture est jolie, il y a une tendresse certaine dans vos phrases.Continuez.Cdt
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N
Mais je suis sûr qu'elle n'écrit pas aussi bien que toi, Mademoiselle...
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