Tiens ton rang
Ca et " mets ta tête en place". Ceux sont deux phrases qui ont bercé mes oreilles. Cependant, je n'ai toujours pas compris comment ma tête pouvait être ailleurs qu'à sa place. Par contre j'ai compris ce qu'était tenir son rang. Petite a toujours pensé que l'aristocratie du sang, c'est nul, ou bon à faire des tarés. Elle a toujours pensé que viendra la nouvelle noblesse, de l'épée, avec des valeurs toiles d'araignées et des manières protocolaires. Apolitisée, force m'est de constater que oui, quand même, je suis issue d'une gauche qui se voudrait caviar, d'un peuple qui forge ses armoiries avec ses propres mains caleuses. Hier, j'ai visité la maison de la petite soeur de Petite. Leur père vient de la terminer, quasimment seul, il l'a bâtie de ses mains. Elle est en tout point pareil à leur maison familiale. Il y a deux étages, il y a le coin des filles avec la salle de bain et une balancelle dans le jardin. La soeur de Petite a 12 ans.
Cette maison, c'est sa dot.
Chez nous, on dote encore les filles. Petite aura la maison familiale, sa soeur aura l'autre, mise en location en attendant, elle achèvera de payer les études.
Chez nous, il est interdit de parler créole avant d'avoir le droit de voter. Interdit aussi de porter des jeans troués. Interdit de fréquenter les nouveaux immigrants. Il est obligatoire de se battre, obligatoire de porter des noms bien français, obligatoire de se tenir droite.
Un midi, enfant , je suis rentré dejeuner en pleurant, parce que je m'étais faite embêtée par des mioches. Ma grand-mère m'a engueulé, elle m'a lavé le visage, et elle m'a maquillée. Parce que personne ne doit soupçonner que tu vacilles de ton rang.
Chez nous, on fait face au sens littéral du terme.
Du coup je me suis coupé les cheveux. Et je me maquille.